La révolution YouTube ne sera pas télévisée

Depuis 10 ans, YouTube, c’est une véritable révolution.

Tout ce qui peut avoir été filmé se retrouve sur YouTube. C’est une révolution, et elle ne sera pas télévisée. Elle va être filmée à la verticale sur un téléphone et déposée sur YouTube, où elle va recueillir à peu près 275 vues et autant de commentaires racistes. Depuis 10 ans, devenue la façon de se répandre sur Internet.

Bonne fête, YouTube! Dix ans, déjà…

La webtélé, une menace pour les télédistributeurs ?

Un récent sondage par le Cable and Telecommunications Association for Marketing a révélé que près de la moitié des Canadiens regardent des émissions ou des films sur le Web, et qu’environ le tiers de ceux-ci songent à mettre fin à leur abonnement télévisé. Nos voisins du Sud ont pris de l’avance sur le phénomène, avec plus de 2 millions de personnes ayant coupé le fil qui les unissait à leur fournisseur de câble au détriment du contenu Web au cours de l’année dernière seulement. La quantité de contenu télévisuel québécois en streaming légal est actuellement en pleine explosion sur le net. Les consommateurs commencent déjà à vivre dans l’ère du sur-demande, de quoi inquiéter les câblodistributeurs.

En janvier 2010, Radio-Canada lançait la plate-forme Tou.tv, un site étant décrit comme « la première destination de télévision francophone sur demande ». Proposant des milliers d’heures de contenu de Radio-Canada, mais aussi d’autres diffuseurs comme Télé-Québec, TV5, RDI et ARTV, Tou.tv a signalé le début d’un nouveau niveau d’accessibilité du contenu télévisuel francophone. Depuis, des dizaines d’autres chaînes locales dont V, Canal D, Canal Vie, Historia, Canal Évasion, Séries+, Z télé, MusiquePlus et VRAK TV se sont joints au phénomène webtélé en offrant, gratuitement et pour tous, leur contenu en streaming via leur site officiel. Le contenu de TVA sur demande et de LCN est pour sa part réservé aux abonnés Vidéotron, mais un nouvel ordre du CRTC obligera Quebecor à rendre disponibles leurs émissions sur demande aux abonnés des services concurrents, sous prétexte que l’exclusivité de ces émissions donne un avantage indu à Vidéotron.

La quantité de contenu québécois qui vient se rajouter aux émissions anglophones déjà présentes sur le web et aux services de vidéo continue comme Netflix et Hulu pourrait pousser les consommateurs à mettre fin à leur facture salée de télédistribution et remplacer leurs terminaux numériques par un ordinateur ou une boîte de streaming (Apple TV, Boxee Box, Roku). Plusieurs modèles récents de téléviseurs HD dits «Smart» sont même munis d’une connectivité Wi-Fi pour accéder directement au contenu Web sans la nécessité d’un périphérique externe.

En théorie, ne regarder que la webtélé et le contenu sur demande serait beaucoup plus économique que les offres actuelles de télédistribution. Cependant, il faut considérer le fait que les forfaits Internet offerts actuellement au Canada sont extrêmement limités en terme de bande passante. Le Canada et l’Australie sont les deux seuls pays où tous les forfaits Internet offerts par les fournisseurs majeurs sont limités, et c’est au Canada que la surcharge en cas d’excès de téléchargement est la plus élevée (entre 1 et 2 $ le Go). En sachant que Tou.tv consomme 7,32 Mo de bande passante par minute de visionnement et qu’un film HD en streaming en consomme jusqu’à 4 Go, il est facile de s’imaginer dépasser la limite mensuelle d’un service Internet haute vitesse moyen qui se situe aux alentours de 50 Go. Aussi fournisseurs de service télé, les fournisseurs d’accès Internet canadiens s’assurent ainsi qu’on ne se désabonne pas de leur service télé. Ils suggéreront d’utiliser leurs propres services de vidéo sur demande, accessibles à partir de leurs terminaux numériques, dont la bande passante n’est pas calculée dans la consommation Internet de leurs clients. Cette mesure anti compétitive n’est pas étonnante quand on sait que les services de vidéo sur demande de Vidéotron et Bell génèrent pour chacun plus de 50 millions de dollars en revenus annuellement.

Tant que les forfaits Internet offerts au Canada n’incluront pas une plus grande capacité de téléchargement, il demeurera impossible de visionner ses canaux favoris à partir du Web sans se soucier du temps d’écoute comme les gens en ont l’habitude avec la télé traditionnelle. L’organisation à but non lucratif OpenMedia dénonce les limites mensuelles de téléchargement trop basses imposées par les grandes entreprises de télécommunication avec leur campagne « Dites non au compteur sur votre connexion Internet ». Selon OpenMedia, les forfaits limités qu’ils proposent nuisent énormément à la compétition et à l’innovation. Ces derniers prétendent également que ces limitations ne sont pas du tout de nature technique. Plus de 500 000 Canadiens ont signé une pétition créée par OpenMedia qui vise à convaincre le CRTC d’interdire l’imposition de limites mensuelles aussi restrictives.

Alors qu’il n’est pas garanti que le CRTC réagisse aux plaintes des consommateurs pour le moment, il y aura de plus en plus de pression si le phénomène de la distribution par le Web du contenu télévisuel devient chose commune à l’étranger. Même si les forfaits Internet étrangers ne posent pas nécessairement de restriction technique à ce phénomène, les solutions actuelles pour visionner du contenu Web sur une télé sont trop complexes d’utilisation et intimidantes pour la majorité des gens. Les rumeurs veulent qu’Apple, Google et Microsoft soient chacun en train de travailler sur des produits rendant plus naturel et user-friendly l’accès à du contenu provenant du Web sur téléviseurs HD. L’utilisation de reconnaissances vocale et gestuelle serait apparemment considérée. Difficile cependant d’imaginer un futur entièrement dépourvu de factures de télédistribution d’ici la révolution qu’entraînerait ce genre de produits.